Interview réalisée par Rassim Sakhraoui
Les étudiants en économie interviewent une personne qui a grandi ou vit dans un autre système économique. Rassim Sakhraoui a choisi sa grand-mère.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Zerouali Fatiha. Je suis née le 18 avril 1944 à Gouraya, une commune de la wilaya de Cherchell, en Algérie.
Comment était votre enfance ? Quels souvenirs en gardez-vous ?
J’ai eu la chance de grandir dans une famille aisée, et nous cohabitions harmonieusement avec les différentes communautés présentes à cette époque : des français, des juifs, des espagnols, des portugais et des algériens. Issue d’une famille nombreuse de neuf enfants (cinq filles et quatre garçons), je garde des souvenirs doux et heureux, notamment avec mes amis à l’école jusqu’à l’obtention de mon certificat d’études. Je me suis mariée très jeune, à l’âge de 18 ans, dans le cadre d’un mariage arrangé entre deux familles de commerçants influents.
Comment était la vie en Algérie lorsque vous étiez enfant ?
À la fin des années 50, la guerre d’Algérie faisait rage, mais vivant dans un petit village, nous étions relativement épargnés par les combats, qui se concentraient principalement dans les grandes villes et les principales wilayas du pays.
Quels changements majeurs avez-vous observés en Algérie au cours de votre vie ?
L’indépendance a été le plus grand bouleversement. Elle a apporté la liberté au pays et davantage de droits pour les femmes, notamment en matière d’éducation et d’accès au travail.
Comment avez-vous vécu l’indépendance de l’Algérie ?
C’était un moment de grande joie, marqué par l’union de tout le peuple autour d’un même objectif. Tout le monde a célébré cet exploit historique, bien que l’indépendance ait coûté cher en sacrifices, avec un million et demi de martyrs ayant donné leur vie pour libérer le pays.
Quels changements vous ont le plus marquée ? Pourquoi ?
Les changements les plus marquants pour moi sont ceux qui ont concerné mes enfants. Contrairement à mon expérience, ils ont eu la possibilité de choisir leur propre avenir. Ils ont pu poursuivre des études supérieures et réaliser leurs ambitions, devenant médecins, architectes, sans être soumis à des mariages arrangés.
Comment est la vie en Algérie aujourd’hui sur les plans économique, social et sanitaire ?
Sur le plan de la santé, l’Algérie est en retard par rapport aux normes mondiales. Bien que les soins soient gratuits, il existe un manque criant d’infrastructures par rapport au nombre d’habitants.
D’un point de vue social, le pays fait face à des problèmes de corruption et de mauvaise gouvernance, ce qui alimente une insatisfaction croissante de la population envers ses dirigeants.
Sur le plan économique, l’Algérie dépend fortement des revenus du pétrole et du gaz, ses principales ressources financières. Cependant, face aux fluctuations économiques mondiales, une inflation grandissante se fait ressentir. Néanmoins, des efforts sont faits pour diversifier l’économie, notamment avec des investissements dans l’industrie agroalimentaire, l’automobile et l’agriculture, visant l’autosuffisance en céréales, domaine où l’Algérie progresse, tout comme pour les fruits et légumes.
Comment se déroule votre quotidien ?
On est là, hein !
Que pouvez-vous nous dire sur la valeur du dinar algérien ? Les prix sont-ils élevés ?
Le dinar algérien se déprécie chaque jour et manque de stabilité. Les prix sont élevés, mais le coût de la vie reste tout de même plus abordable qu’en Europe, notamment par rapport à l’ Andorre.
Comment voyez-vous l’avenir de l’Algérie ?
C’est un véritable brouillard. Seul l’avenir nous révélera ce qu’il en sera.
Aimeriez-vous que votre petit-fils vienne vivre en Algérie ?
Même si, égoïstement, j’aimerais avoir mes petits-enfants près de moi, je sais qu’ils auront plus d’opportunités et de chances de réussir ailleurs. Je leur souhaite avant tout le succès et la santé, même s’ils doivent vivre loin de moi. En réalité, je ne souhaiterais pas qu’ils reviennent s’installer en Algérie.
Merci grand-mère